lundi 16 janvier 2017

Gestion des déchets biomédicaux en Outaouais


À l’attention de
l’Agence de la santé et des services sociaux de l'Outaouais
104, rue Lois
Gatineau (Québec)
J8Y 3R7

Gatineau, le 17 février 2015


Objet : Gestion des déchets biomédicaux en Outaouais

À qui de droit,

Je suis propriétaire d’un studio de tatouage à Gatineau depuis 2011 et suite à certains événements survenus aux cours des derniers mois, j’aimerais porter à votre attention certains problèmes rencontrés concernant le système de récupération des aiguilles usagées dans la région. Étant contentieux de notre responsabilité sociale en tant que professionnels utilisant des aiguilles quotidiennement, mon équipe et moi tenons à disposer du matériel souillés de manière sécuritaire.  Au courant des dix dernières années, j’ai toujours fait appel aux services en pharmacie pour retourner mes contenants DBM. Or les pharmaciens sont de plus en plus réticents à accepter ces contenants, ou refusent tout simplement de le faire et ce, malgré les recommandations officielles de l’Ordre des Pharmaciens, du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) et du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, ce qui entraîne des conséquences non négligeables pour le bien-être de la communauté.

Dans un rapport du Groupe de travail sur la récupération des seringues usagées au Québec publié en 2005, il est clairement inscrit que l’Ordre des pharmaciens du Québec « encourage les pharmaciens à mettre sur pied des programmes de récupération du matériel d’injection contaminé » et il est recommandé aux pharmaciens de « recevoir et d’assurer l’élimination sans frais des seringues et aiguilles utilisées avec ou sans ordonnance médicale apportées par des individus ».  Le gouvernement du Québec diffuse également ces informations aux citoyens en leur recommandant fortement de rapporter leurs aiguilles et seringues souillées en pharmacie ou en CSLC, sans faire le discernement du type d’objet contaminés, dans le but d’éviter tout accident et transmission de maladies graves. Dans un pamphlet distribué au public par le Ministère de la Santé et Services sociaux du Québec il est également clairement mentionné que les citoyens peuvent se procurer gratuitement un contenant sécuritaire en pharmacie et le rapporter une fois rempli.

Or ce service n’est pas mis en pratique par certaines pharmacies qui n’acceptent pas de récupérer les aiguilles et seringues à usage non-médicaux même si, selon les réglementations du Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, révisées en 2010, « la gestion des seringues et des aiguilles d’origine domestique qui y seront livrées (en pharmacie ou au CLSC) sera la même que celle des déchets biomédicaux réglementés déjà produits sur place.» Ainsi, aucune distinction réelle ne devrait être faite entre aiguilles à usage médical, domestique ou professionnel. Or, les pharmacies et les CLSC continuent de diviser ces derniers et cette séparation engendre une discrimination marquée et soulève des questions importantes concernant la confidentialité des individus. Ainsi, pour des raisons éthiques nous croyons qu’il est déplacé de la part des pharmaciens d’exiger aux individus de dévoiler la provenance ou la nature des aiguilles lorsqu’elles sont proprement entreposées dans un contenant DBM, surtout lorsqu’ils sont tenus, par les recommandations officielles de maints organismes, de les accepter et d’en disposer.

Une des pharmacies visitées (le Pharmaprix du 200 Boul. Gréber à Gatineau) a effectivement demandée qu’on révèle la provenance des aiguilles et, lorsque nous avons mentionné qu’elles étaient utilisées pour le tatouage, le commis a adopté une attitude condescendante et a catégoriquement refusé de prendre le contenant DBM, suivant les instructions données par la pharmacienne propriétaire, Suzanne Boily, à ses employés. Ce refus soulève à mes yeux un questionnement éthique et me fait douter du professionnalisme de ce membre de l’Ordre de Pharmaciens (dont la mission est « est de veiller à la protection du public » en agissant « de façon raisonnable et [en tenant] compte des conséquences de ses actes » et « guidées par l'honnêteté et le respect de principes moraux rigoureux »). Ce problème semble assez répandu et avait été soulevé dans le Rapport du Ministère de la Santé et des Services sociaux publié en 2005 dans lequel il est indiqué que : « des producteurs de petites ou très petites quantités de DBM (p. ex. soins infirmiers à domicile, tatoueurs, électrolystes) sont accueillis sans enthousiasme lorsqu’ils apportent leurs DBM à la pharmacie ou au CLSC. » Les nouvelles réglementations de 2010 visaient entre autres à régler ce problème, mais à la lumière des événements des dernières semaines, il est clair que le système de récupération des aiguilles usagées comprend toujours des lacunes majeures et celles-ci doivent être adressées. Selon un des pharmaciens rencontrés et selon le Rapport MSSS de 2005, ce refus serait également lié à certaines contraintes légales concernant le transport, limitant ainsi la quantité de DBM pouvant être transportée à « 50 kg par mois, sans que l’on soit tenu de respecter toutes les exigences du Règlement relatives au transport : permis, véhicule réservé, réfrigéré, etc., ce qui augmente sensiblement les coûts. »  En effet, en visitant une seconde pharmacie, et après discussion extensive, on a accepté de récupérer mes contenants mais à condition d’un quota de un par mois maximum, citant les contraintes de volume de ramassage. Il m’a été donné à cette occasion de voir les informations transmises par votre service aux pharmacies. Le document, émis par l’Agence de la santé et des services sociaux de l'Outaouais, parlait uniquement des déchets médicaux, et ne couvrait pas le cas des autres déchets contaminés. Il s’agit donc d’une information désuète en ce qui concerne les réglementations présentement en vigueur au Québec et depuis 2010. Les pharmaciens croient donc pouvoir librement interpréter ces informations et sélectionner les déchets à recueillir.

Il est donc d’un côté, de plus en plus difficiles pour les individus de disposer de leurs aiguilles contaminés de manière sécuritaire malgré les recommandations officielles et les indications données aux citoyens tandis que de l’autre, le Règlement sur les déchets biomédicaux ne s’applique pas aux individus. Ainsi, ces derniers ne contreviennent à aucun règlement lorsqu’ils jettent leurs seringues et leurs aiguilles aux ordures ménagères. Il n’est donc pas surprenant que cette option soit celle choisie par plusieurs individus qui n’arrivent pas à disposer de leurs déchets DBM dans les pharmacies ou les CLSC et pour qui, les hôpitaux équipés d’autoclave sont difficiles d’accès. Comme nous pouvons le constater dans les médias, ces aiguilles et seringues se retrouvent souvent dans les ordures ménagères et dans les endroits publics et causent un danger considérable pour la communauté. « Selon un rapport publié par le MSSS en 2005, on observe un nombre croissant de piqûres accidentelles liées à la présence de seringues et d’aiguilles à des endroits inappropriés. Ces accidents touchent notamment les enfants et certaines catégories de travailleurs, comme les préposés à l’entretien des rues et des parcs, les concierges, les éboueurs et les employés des centres de tri. » Les services de récupération offerts par les pharmacies et les CLSC ne devraient donc pas être limité aux clients de la pharmacie, mais bien être à la disposition de quiconque désire disposer de ses seringues ou aiguilles souillées et ce, pour des questions de sécurité sociale.

C’est pourquoi, nous faisons aujourd’hui appel à l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, qui se doit de s’assurer que les recommandations du gouvernement du Québec soient transmises et appliquées au niveau régional. Nous tenons à porter à votre attention ce problème sérieux en espérant que vous prendrez les mesures nécessaire pour y remédier. Nous croyons que les pharmacies et les CLSC devraient être officiellement tenus de récupérer les aiguilles et seringues souillées provenant de sources domestiques et professionnelles lorsqu’elles sont entreposées dans les contenants DBM et ce, en tout temps et sans limites de volume. J’aimerais, pour terminer, citer l’Exemple du CSSS de Dorval-Lachine-Lasalle, qui diffuse publiquement sur leur site web que : « Les personnes qui utilisent des seringues et des aiguilles pour leur usage personnel ont la possibilité de se procurer des contenants gratuitement dans toutes les pharmacies du territoire et au CLSC de Dorval-Lachine ainsi qu'au CLSC de LaSalle et de les rapporter afin de s'assurer que ces seringues et aiguilles seront éliminées de façon sécuritaire. »

C’est le bien-être et la sécurité de la communauté qui est ici en jeu.
Merci de bien vouloir faire suite à cette lettre dans les meilleurs délais.

Sincèrement,

Karine Provençal-LeBlanc
Propriétaire et artiste du tatouage, RubyCherry Shop

N.B.
Une copie imprimée et enregistrée de cette lettre suivera par courier sous peu.


Sources :

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