lundi 10 septembre 2012

Tatouages : une étude de genre

En 2012, il est difficile de nier la popularité explosive du tatouage. D’abord chez les jeunes d’une culture alternative, puis progressivement chez les gens de tous âges et de tout milieu social. En étudiant les statistiques démographiques de ma clientèle dont je compile soigneusement les données depuis plus de cinq ans, je constate que près de 75% de celle-ci est de sexe féminin (entre 18 et 45 ans). Lorsqu’on considère le nouveau regard porté sur le corps féminin tatoué avec des figures publiques telles que Kat Von D ou les modèles des Suicide Girls, il est facile de penser que l’esthétique féminine tatouée va de soi. Pourtant, il y a à peine une trentaine d’années, un tel phénomène de mode était impensable et, qu’on le veuille ou non, la femme tatouée suscite encore aujourd’hui beaucoup plus de réactions que sa contrepartie masculine.

À la lumière de certaines lectures et en observant ces femmes qui, indépendamment de leur métier, race, religion ou milieu social,  viennent quotidiennement s’orner de tatouages de plus en plus gros et de plus en plus visibles, une profonde vision féministe du phénomène a commencé à prendre forme.




Contexte historique

D’une perspective moderne occidentale, la femme tatouée est un phénomène extrêmement récent. Vers la fin du 19e siècle, on assiste à la première vague de féminisme en Amérique. Toujours cantonnée dans sa fonction de mère et de personne soignante, cet activisme précoce focalisait sur le développement du rôle de la femme dans la vie publique et la reconnaissance de celle-ci en tant que personne. Simultanément, les premières femmes tatouées apparaissent en Amérique, principalement sous forme de phénomène de cirque. Hautement plus exotique et outrageuse, la femme tatouée remplace rapidement le sideshow de l’homme tatoué.



Déjà à cette époque, elles suscitent un mélange d’émotions et de jugements de mœurs. Pour justifier leur existence, ces femmes avaient recours à des histoires fictives et violentes dans lesquelles leurs tatouages leur étaient appliqués de force lors d’un enlèvement ou d’une malheureuse rencontre avec un peuple sauvage. Qu’une femme choisisse volontairement de faire subir ce genre de traitement à son corps était tout simplement inconcevable.

Quelques scientifiques de l’époque tels qu'Albert Parry (Tattoo: Secrets of a Strange Art ) et Cesare Lombroso (l'Uomo Delinquente) se sont risqués à la rédaction d’ouvrages faisant état des mœurs  dégénérées et fondamentalement agressives des gens tatoués ainsi que de la totale soumission des femmes portant les mêmes marques.

Au début des années 20, une 2e génération de femmes tatouées suit la 2e vague du féminisme américain. Ces femmes, bien que toujours au sein du cirque, étaient maintenant plus nombreuses et plus libres de choisir leurs designs. Leur simple présence dans le cirque est un témoignage en soit de leur liberté de choix, plusieurs rejoignant le spectacle avant même de se marier. Étant extrêmement bien payées, ces femmes n’avaient pas besoin d’un homme pour les faire vivre, situation très rare pour les femmes de cette époque. De plus, elles avaient l’occasion de voyager et de voir le monde comme aucune autre. Pendant ce temps, les femmes du peuple repoussaient les limites du comportement acceptable en revendiquant le droit de vote et en quittant le foyer pour travailler dans les industries du temps de guerre.

Dans les années 30 à 60, le féminisme continue sur sa lancée et les femmes poursuivent leur exode du foyer vers le milieu du travail, élargissent leur accès à l’éducation et solidifient leur identité. Le tatouage est popularisé chez les américains et plusieurs femmes arborent de petits tatouages discrets, souvent sur les cuisses ou les zones intimes.

Pour la première fois dans les années 60, Vyvyn Lazonga défie ses collègues de sexe masculin en devenant la première femme propriétaire d’un studio de tatouage et Ruth Marten marque un pas dans la reconnaissance des tatoueurs comme artistes en devenant la première tatoueuse graduée de l’école d’art.

Les années 70 voient naitre une réelle prise de pouvoir personnelle de l’expression féminine avec l’adoption de la charte des droits et libertés qui promeut l’équité salariale et le droit des femmes à leur corps notamment avec la légalisation de l’avortement.

Depuis, surtout avec les avancées en matière d’hygiène, les tatouages ont constamment gagné en popularité, devenant de plus en plus visibles dans les années 80. Quelques années de plus furent nécessaires pour venir à bout des vieux stigmates et pour donner naissance à la génération de femme tatouées d’aujourd’hui.

Dans un même souffle, la troisième vague de féminisme des années 90, axée sur la diversité culturelle et sexuelle, fait état de la multitude des expériences des femmes. On parle finalement de recherche d’individualité et d’identité propre.


La femme : objet de désir

Que ce soit par la rigidité du code vestimentaire victorien de ces premières années ou par l’exacerbation moderne de ce corps désirable dans les medias d’aujourd’hui, de tous  temps la femme a été dépersonnalisée à divers degrés et de diverses façons, réduisant souvent son identité à son enveloppe charnelle. En effet, la qualité féminine par excellence n’est elle pas la beauté?




La femme tatouée choque et celle-ci fut dès ses débuts accusée de moeurs sexuelles légères, voir décadentes. Hal Zucker, dans son livre « Tattooed women and their mates (1955) » stipulait que toutes les femmes tatouées étaient forcément des prostituées à la sexualité exacerbée. Cette marque faisait d’elles des objets sexuels inhérents.

Qu’est-ce qui peut conditionner un tel jugement? Il faut d’abord comprendre que les valeurs esthétiques communément répandues n’ont souvent pour but que de rendre la femme désirable à l’œil masculin. Les notions de pureté et de perfection lisse suggèrent métaphoriquement la poupée de porcelaine. En tant qu’objet inanimé et générique, elle permettent la projection du désir masculin, comme un film sur un écran vierge.

Le standard de la beauté dicte donc une peau parfaite. Les interventions chirurgicales  (comme les implants mammaires ou l’atténuation des rides) visant à conformer le corps à l’idéal physique véhiculé vont pratiquement sans questionnement car le but recherché est l’uniformisation. « Le tatouage féminin n’est pas une question de décoration ou de transformation mais bien une offense à la pureté symbolique si importante pour l’économie du désir masculin » (2) De plus, dans notre société encore fortement teintée du catholicisme, la virginité est encore considérée comme une grande valeur pour la femme.

Le tatouage redonne au corps sa volonté propre et le différencie. C’est ce qui le rend la pratique si menaçante et pour plusieurs, la femme tatouée devient instantanément vulgaire, allant parfois jusqu’à complètement annihiler tout désir pour celle-ci.

L’artiste John berger à dit : Les hommes regardent les femmes. Les femmes se regardent en train d'être regardées. Pour qualifier les genres, on parle souvent du sexe fort et du sexe faible. Le pouvoir de l’homme de définir la femme et son rôle « est une forme d’hégémonie culturelle, ou ce que le philosophe italien Antonio Gramsci a défini comme étant la manière dont ceux en situation de pouvoir créent et réitèrent une image de la société supposément naturelle et universelle mais qui au font leurs bénéficient à eux même, la classe dominante. » (2)

Les rôles du dominant et du dominé, du donneur et du receveur, de l’actif et du passif sont particulièrement frappants lorsque mis en parallèle avec l’acte du tatouage. Le caractère intrusif des aiguilles, du liquide injecté dans les ponctures, de la dualité douleur/plaisir : tatouer est en soit une métaphore de l’activité sexuelle.

Bien sur,  il est plus simple de condamner dans les extrêmes et renier la complexité humaine que de chercher à profondément comprendre le contexte socioculturel qui rend possible l’existence de la femme tatouée.


Tatouage artistique

Si nous ne sommes pas tous pervertis ou des criminels latents, alors pourquoi nous faisons nous tatouer? L’évolution du tatouage comme forme d’art dans les années 90, nous permet maintenant d’étudier le phénomène à la lumière de deux courants artistiques théoriques opposés.

L’approche formaliste stipule que la qualité d’un travail artistique donné repose purement sur sa forme, la qualité de sa réalisation et son aspect visuel plutôt que sur son contenu ou sa signification. Comme de fait, plusieurs tatouages sont réalisés pour leur valeur esthétique. Les gens les portent comme ornements, à la manière d’un vêtement ou d’un bijou.

L’approche expressionniste a comme souci non pas de dépeindre le sujet dans sa réalité objective mais plutôt l’émotion et la réaction que ce sujet provoque chez une personne. La réalisation elle-même, ainsi que le résultat, sont également importants dans le processus créatif. Incidemment, plusieurs personnes vont choisir leur tatouage pour sa valeur émotionnelle et ce qu’il représente pour eux (sans bien sur en négliger la valeur esthétique pour autant).


Amanda Wachob

Pourtant, la place du tatouage comme forme artistique est encore largement controversée.

High art est un terme utilisé pour caractériser le travail artistique le plus estimé par une culture donnée. Il s’agit d’une culture réservée à l’élite aristocratique. Avant le 21e siècle, aucune femme ne pratiquait les beaux-arts. Il s’agissait d’une occupation académique strictement réservée aux hommes.

Low art caractérise quant à lui la culture populaire. Souvent de nature utilitaire ou éphémère, cette catégorie regroupe le design graphique, la décoration,  les métiers artisanaux et la mode. Il est intéressant de noter que traditionnellement, les métiers artisanaux sont majoritairement exécutés par des femmes. C’est pourtant ici que s’inscrit l’art du tatouage, malgré sa forte dominance masculine.

On remarque aussi souvent une incidence du cerveau droit ou du cerveau gauche dans le choix d’un motif de tatouage et de son emplacement. En effet, bien que nous utilisons toujours notre cerveau en entier, nous pouvons souvent remarquer un coté dominant. Certains individus choisissent leurs tatouages intuitivement et spontanément, préférant une image qui les émeut ou qu’ils trouvent simplement belle. D’autres y réfléchiront longtemps et présentent un argumentaire rationnel à leur choix. Ils opteront plus souvent pour un motif symbolique riche en signification. Chaque cerveau étant associé à un coté du corps, il m’arrive parfois de rencontrer des personnes atteintes de ce que j’appelle le « syndrome du tattoo à droite (ou à gauche) ». C’est-à-dire que cette personne sera toujours portée à appliquer ses tatouages du même coté du corps.


Polarités

Jusqu’à maintenant, nous avons relevé plusieurs effets de polarité dans notre étude. Mes recherches sur la philosophie et la spiritualité indienne m’ont appris que tout dans l’univers est créé par le mariage des principes masculins et féminins opposés de Shiva et Shakti.

Shiva, le principe masculin, représente l’esprit, la volonté créatrice. Shakti, le principe féminin, représente la matière et la manifestation physique de la création. Leur relation est représentée par le symbole de l’étoile de David. Les triangles ascendants et descendants témoignent de la nature inséparable de ces deux principes et de leur réciprocité. Tels le yin et le yang (et d’autres symboles repandus dans toutes les cultures), l’un ne peut exister sans l’autre.

L’évolution sociale de l’être humain depuis son apparition peut être comprise et analysée selon quatre quadrants correspondants aux différents aspects de la psyché humaine, tels que décrit par l’auteur Jungien Gareth Hill.




Les faits historiques récents et l’activité tumultueuse du dernier siècle semblent indiquer que nous nous trouvons maintenant en pleine transition vers la 4e phase. Un des bons indicateurs de ce changement de paradigme est la récente résurgence du féminisme discutée plus haut. L’humanité est affamée de fraternité, de vraie communauté. Nous avons maintenant les outils nécessaires pour créer un monde où chaque individu unique partage l’expérience humaine de ses pairs (tatoués ou non!) en une évolution symbiotique riche de diversité.




Conformité versus identité

Anciennement, dans la société tribale, le tatouage incluait l’humain dans la communauté et le distinguait de l’animal. Le tatouage faisait office de lien et soudait le groupe ensemble dans un sentiment d’appartenance. Encore aujourd’hui, plusieurs tatouages sont exécutés dans un souci d’intégration à un groupe donné.

D’un autre coté, plusieurs autres tatouages sont réalisés dans un désir d’expression personnelle. Encore une fois on assiste à une polarisation de la communauté et de l’individu.

À notre époque, les tatouages sont le résultats d’un acte intentionnel et délibéré. Malgré la pression qu’on peut subir de notre milieu, la décision ultime est le fruit de notre libre arbitre. Le tatouage est un puissant acte communiquant par lequel nous nous approprions une signification (en rapport ou non avec notre contexte social), de même que notre corps. Se faire tatouer est un engagement envers soi-même à s’auto-créer dans notre propre contexte indépendant. Il s’agit à la fois d’un acte d’expression et de formation de soi. Se rendre visible dans cette affirmation de soi-même, c’est devenir vulnérable et exposé à la critique de notre identité profonde. C’est une grande épreuve de détermination du caractère.

Le terme Bildung réfère à la tradition allemande de la culture de soi. Cette philosophie prône le développement personnel par le biais de l’auto-éducation, de la culture et la réflexion philosophique. Ce processus de maturation est décrit comme étant l’harmonisation de l’esprit et du cœur de l’individu en une identité propre mise en contexte au sein de sa société. Cette harmonisation requiert la transformation ou la transcendance des valeurs et croyances initiales de cet individu.

Qui nous sommes ne peut être que partiellement déterminé par les autres, par l'environnement, par notre sexe, par notre contenant physique. Au delà de l'ADN qui me rend unique, quand je regarde mon corps tatoué, je constate que je suis unique. Les tatouages ne sont pas seulement quelque chose que nous portons, ils sont qui nous sommes car ils font partie intégrante de notre corps.

Dans la connaissance et l’acceptation de soi et de notre pleine individualité, on fini forcément par accepter les autres. De la même façon, plus on se sent connecté a l’humanité, moins on sent le désir de contrôler ou catégoriser les autres. On se libère des rôles préétablis, définis par le sexe, la race, l’âge ou la classe sociale. Il s’agit là de la pure rencontre entre Shiva et Shakti, les courants a priori opposé s’exacerbant l’un dans l’autre et se rejoignant dans une boucle sans fin.

« En poursuivant incessamment à l’intérieur de soi la réponse à la question « qui suis-je? » nous nous connaitrons nous-même et par le fait même atteindrons la perfection » (7)



Références

(1) - The Tattooed Lady: A History - Amelia Klem Osterud
(2) - Tattoos - Philosophy for Everyone: I Ink, Therefore I Am - Robert Arp
(3) – Wikipedia (www.wikipedia.org)
(4) - Understanding Your Brain for Better Design: Left vs. Right
http://www.webdesignerdepot.com/2009/11/understanding-your-brain-for-better-design-left-vs-right/

(5) - Wheels of Life: A User's Guide to the Chakra System - Anodea Judith
(6) - Tattoos and Gender – Woman’s studies @ Appalachian state university http://ws.appstate.edu/virtual-tour/tattoos-and-gender
(7) - 3 Magic Words the movie - http://3magicwordsmovie.wordpress.com/

lundi 23 avril 2012

Le tatouage à domicile, économique pour qui?

À en croire les nombreuses publicités sur Internet, le tatouage à domicile ne présenterait que des avantages : se faire tatouer dans le confort de son salon, pour un faible prix. Ces nouveaux "prestataires" n'hésitent pas à inonder les réseaux sociaux de petites annonces : "Petits prix garantis", "moins cher et plus confortable qu'en studio", "faites-vous tatouer dans le cadre rassurant de votre cuisine", "déplacement offert"... Les prétextes ne manquent pas. (1)

Pourtant, c'est par ignorance des risques et de la loi et en imaginant pourtant faire le choix d'une solution alternative au tatouage en salon (a priori plus confortable et rassurante) que le client naïf se fait avoir.


VALEURS DOUTEUSES

Si certains artistes choisissent en outre de pratiquer le tatouage à domicile avant de démarrer une activité en studio, beaucoup demeurent dans cette situation dans le seul but d'échapper aux charges professionnelles inhérentes à la mise en conformité de leur activité.

La seule raison valable pour un tatoueur de se donner le mal de se déplacer chez ses clients, c'est pour faire de l'argent facile sur les gens naïfs ou (excusez-moi) cheaps qui ne veulent pas investir dans une qualité de travail qui leur reste à vie.

J'ai souvent été invitée à participer aux dits "partys de tattoo" comme artiste sous promesse de faire beaucoup d'argent, mais je trouve l'idée tellement repoussante que j'ai toujours refusé de bouger de mon studio. Pour moi, c'est un non catégorique même si je me fais souvent demander par les gens que je rencontre ou sur Internet si je tatoue à domicile. J'aime mieux perdre des clients que de renoncer à mes valeurs professionnelles.

Je ne connais AUCUN, et je dis bien AUCUN tatoueur qui, à mes yeux de tatoueuse, est professionnel et talentueux (même si une autre personne peut trouver que son beau-frère est ben bon), qui accepte de faire du tatouage à domicile. Quelques rares artistes respectables ont des studios professionnels installés chez eux mais ceux-ci se conforment aux mêmes normes de santé et sécurité que les tatoueurs ayant pignon sur rue.

La réalité est qu’un tatoueur à domicile fait plus d'argent que celui en studio. Ça vous coûte moins cher à VOUS car 100 % de l'argent va dans ses poches. L'artiste en studio doit remettre en moyenne 50 % de ce qu'il a fait pour payer les frais de location et d'administration (tout comme les coiffeuses) et donc fait moins d'argent. Si un tatoueur insiste pour rester travailler dans son studio, dites vous que ce n’est pas pour vous faire payer plus cher mais bien parce qu'il a une solide morale professionnelle!

Saviez-vous que la grande majorité des fournisseurs de matériel de tatouage de qualité professionnelle d'Amérique refusent de vendre aux tatoueurs qui ne sont pas engagés par des studios professionnels? Certains demandent même à voir le portfolio de l'artiste et le numéro d’enregistrement. Pourquoi prennent-ils la peine de sélectionner leurs clients et ainsi perdre de l'argent? Encore une fois, parce qu'ils on une conscience professionnelle. Dites vous que ceux qui vous tatouent chez vous ont acheté leur matériel sur eBay ou de seconde main de quelqu'un qui voulait faire un peu d’argent en vendant son vieux stock.

Les kits eBay sont généralement fabriqués en Chine et sont de mauvaise qualité, fournis avec des produits et des encres qui ne respectent pas les normes de Santé Canada.

J’en profite ici pour démystifier un point important. Au Québec, aucune loi ne régit directement le perçage ou le tatouage. Que ce soit pour les adultes ou pour les enfants, ça ne change rien à l’affaire. En l’absence de juridiction spécifique, certains professionnels du tatouage et du perçage semblent vouloir se donner bonne conscience en évoquant la Loi sur le consentement aux soins de santé qui stipule qu’un jeune de plus de 14 ans peut consentir seul à des soins de santé. Certains autres, encore plus sévères, refusent d’intervenir sur tout individu de moins de 18 ans. Mais, ce qu’il faut savoir c’est que cette Loi exclut les soins esthétiques ou dits « non médicalement requis ». Donc, rien ne permet ou n’interdit aux artistes corporels de tatouer un mineur, qu’il ait 14 ans ou pas. (2) C’est pourquoi beaucoup de jeunes mineurs se tournent vers un service à domicile pour la réalisation de leur premier tatouage, avec des résultats souvent bien regrettés par la suite. 




DÉSAVANTAGES DU DÉPLACEMENT

Par souci d’hygiène et de salubrité, il est important de souligner que la propreté va beaucoup plus loin que l'utilisation d'aiguilles neuves et d'une chaise « propre ». Le simple transport d'équipement stérile ou d’encres dans un contenant inapproprié ou exposé aux changements de température peut compromettre la stérilité, même s'il est emballé. Selon l’Association pour le Développement de l’Internet en Pharmacie (ADIPH) voici les règles à suivre :


STOCKAGE DU MATERIEL STERILE

Tiré du recueil de procédures « DEMARCHE QUALITE EN STERILISATION »
Groupe de travail HEPHAISTOS


  • Rayonnage facile d'entretien, permettant de limiter les dépôts de poussière.
  • Température stable entre 15° et 25°.
  • Pas de lumière directe.
  • Humidité de 40 à 75 %.
  • Éviter les écrasements et les chocs.
  • Armoires fermées.
  • Pas de contact avec les liquides.
  • Ranger si possible dans l’emballage de protection d’origine (boîte en carton).
  • Ne pas endommager le matériel ou l’emballage :
  1. ne pas lier les emballages entre eux avec un adhésif, un élastique, un trombone ou une agrafe,
  2. ne pas écrire sur l’emballage,
  3. ne pas plier l’emballage,
  4. ne pas perforer l’emballage,
  5. ne pas trop remplir les tiroirs de stockage


  • Veiller à une bonne rotation du stock (premier entré, premier sorti). (3)


À mes yeux, le confort de travail et la proximité des équipements en studio est un argument suffisant. Transporter MA table, MA surface de travail en verre ou en stainless, TOUTES les barrières de surfaces et les produits nettoyants, et tout le reste de mon matériel, c'est comme déménager. Mis à part assister à une convention de plusieurs jours, il est inenvisageable de se soumettre a ces heures de démontage et remontage de station de travail pour aller travailler un peu partout.

De plus, du point de vue du client, j'ai toujours trouvé que de se rendre au studio et passer par les étapes de production d'un design sur mesure avec l'artiste que j'ai moi-même choisi, dans son milieu, fait partie intégrante du plaisir de l'expérience de tatouage.


AUTRES RÉFLEXIONS SANITAIRES

Une infection est loin d'être la pire chose qui peut arriver à une personne en se faisant tatouer. Une infection, dans les trois premiers jours de guérison, peut s’attraper virtuellement n’importe où si on ne fait pas attention à sa plaie et que l’on n’y accorde pas les soins fondamentaux. Les maladies transmises par le sang n'ont pas de symptômes apparents à court terme et la question n'est pas de savoir si quelqu'un a effectivement attrapé ou non une de ces maladies dans le cadre d’un tatouage mais de contrôler autant que possible, jusque dans les moindres détails, la propagation de ces maladies. Entre un tatouage qui a 0,01 % de chance de transmettre l'hépatite et un qui a 0.0001 % de chance, lequel choisir?

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est un problème de santé publique important au Canada. À l’heure actuelle, bien qu’on ignore le nombre précis de cas d’infection par le VHC, on estime qu’environ  240 000 canadiens sont porteurs de ce virus et, de ce nombre, seulement 30 % savent qu’ils sont infectés. Si la majorité (60 % à 80 %) de ces personnes n’avait aucun symptôme après l’infection, entre 75 % et 85 % seront atteints d’une infection chronique. Parmi ceux-ci, entre 10 % et 20 % développeront une cirrhose après une longue période de latence qui pourrait durer jusqu’à trois décennies. (4)

Cela fait des années que je m'actualise en suivant des formations et en m'instruisant sur les pathogènes, la contamination croisée, les premier soins...Je vous mets au défi de demander à votre tatoueur de salon de vous montrer une de ces certifications. N’importe quel professionnel de la santé pourrait vous affirmer en un instant que le tatouage à domicile est une très mauvaise idée.

Malgré le fait qu’aucune mesure de contrôle n’existe au Québec, en France le tatouage à domicile est illégal et toutes les activités du domaine sont contrôlées par le Syndicat National des Artistes Tatoueurs.  La loi européenne impose à tout tatoueur ou perceur de disposer d'une salle technique dédiée aux actes de tatouage et de piercing, répondant à des normes d'aménagement précises, et à l'exclusion de toute autre fonction.


RESPONSABILITÉ CLIENT

Cela dit, ce n’est pas le studio mais bien un tatoueur qui réalise le tatouage. Des mauvais tatoueurs, il y en a dans les studios aussi. C'est la RESPONSABILITÉ DU CLIENT de magasiner pour son artiste, de regarder les portfolios, de poser des questions sur les procédures.

Dire que se faire tatouer à domicile est une meilleure alternative parce qu'on à été déçu dans un studio est un sophisme et n’est aucunement un argument valable.

Un tatoueur n'est pas une esthéticienne : n’importe lequel ne fait pas n’importe quoi. Dans le cadre d’un dit « party de tattoo », comment peut-on être certain que le travail de l’artiste conviendra à chaque invité? C'est une aberration. De plus, si on a été déçu par le travail d’un artiste maison et qu’on doit finalement faire refaire le travail, on n’est pas gagnant, ni au niveau monétaire ni au niveau du résultat.

Certains gens passent des mois à étudier différents modèles et à visiter plusieurs magasins avant l’achat d’un appareil électronique (qui durera au mieux quelques années d’utilisation) convenant à leur besoin et à leur budget mais vont entrer dans n’importe quel « tattoo shop » et faire confiance au premier venu pour le meilleur prix possible (pour un produit qui leur restera toute la vie). Cela dépasse tout simplement ma compréhension.

En bref, ce n’est pas le client qui économise son argent mais bien les tatoueurs à domicile qui économisent leurs efforts pour faire le plus grand profit possible à votre dépend. C’est un pensez-y bien.


(1) www.s-n-a-t.org
(2) http://legitimedepense.telequebec.tv/occurrence.aspx?id=17
(3) http://adiph.org/procedure-sterilisation.pdf
(4) http://www.phac-aspc.gc.ca/hepc/pubs/youthpt-jeunessept/index-fra.php

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Commentaire et réponse
Rick on March 6, 2016 at 7:51 pm said:

La plupart des tattooshop se situe dans les centre-villes, et qu’est-ce qu’il y a dans les centre-ville ? POLLUTION, PUTES, JUNKIES. La majorité des contaminants sont dans l’air, même si vous stérilisée en profondeur, au sitôt que vous ouvrez la porte votre local est infesté. Vous généralisé un peu trop, ce n’est pas tout le monde qui ont des maison sale. Je crois qu’il est préférable de tatoué chez une personne qui tient sa maison propre en banlieu, campagne ou l’air est ‘clean’ que dans un tattooshop de centre-ville avec plein de microbe dans l’air. Vous n’aviez pas pensez à cela ?

Ruby on March 6, 2016 at 8:48 pm said:

Cher Rick,

Selon moi votre commentaire témoigne d’une grande ignorance et d’un manque grave d’information sur le sujet de la contamination, ce qui en soit est assez dérangeant. La majorité des pathogènes (on n’a jamais parlé de contaminants) se transmettent par contact et non dans l’air, et si par l’air à proximité du porteur (ex : toux). La proximité de la ville et des putes (!?!) n’y changent rien. Le tatouage en soit n’est PAS une procédure stérile. L’équipement à la seconde hors des emballages, n’est également plus stérile. Par contre, il n’est pas contaminé. Vous mélangez stérilité et décontamination. C’est 2 choses complètement différentes. J’espère sincèrement que vous n’êtes pas tatoueur vous-même.

Je suis bien désolée que vous vous sentiez choqué par mon article. Pour ma part et en parfaite hypocrisie, je travaille aussi maintenant dans mon studio maison, (en banlieue, à proximité de mes voisins junkies) et je maintiens pourtant les informations partagées dans mon article bien documenté, appuyé par mon expérience et ma formation en matière de prévention de la contamination et de la transmission des pathogènes. Par ailleurs, à part au Québec, il est illégal dans la majorité des pays de pratiquer le tatouage à domicile (surement avec raison).

Je souligne je l’article décrie surtout les tatoueurs qui se déplacent chez les gens et je cite que « Quelques rares artistes respectables ont des studios professionnels installés chez eux mais ceux-ci se conforment aux mêmes normes de santé et sécurité que les tatoueurs ayant pignon sur rue. » Bien à vous.

Karine P. LeBlanc