mardi 12 septembre 2017

Tatouage, droit d'auteur et droit du corps

À qui appartient "votre" tatouage? Peut-être ne vous-êtes vous jamais posé la question, peut-être la réponse vous semble-t-elle évidente... Les juristes les plus pointus pourraient se trouver face à un joli casse-tête! (Téléchargez l'image pour mieux lire)



mardi 30 mai 2017

Reality show : quand le viol devient public et légal



J’aimerais qu’on parle de ca ici.

VIDÉO :
https://www.facebook.com/MasterPieceTattoos/videos/657190677815614/


Et du summum de ce que les “tattoo reality shows” ont pu inventer comme insanité pour attirer leur clientèle avide de drame.



Si on retourne en arrière un peu, j’ai toujours eu une relation amour-haine mais plus haine pour les émissions de tatouage. Back in the time de Miami Ink et LA ink (Notez que la shop de Miami ink s’appelle effectivement Love-Hate, ce que je ne savais pas et que je trouve présentement hilarant) en 2005 or so, on pouvait y voir un mélange de features​ d’artistes et de leur art avec une petite partie de la bullshit quotidienne au sein d’un tattoo shop. Quand même assez réalistement car par expérience je peux dire que les shops de tatouage, peu importe leur style (et dans ce cas-ci à la TV on aime bien vous montrer le traditionel ink, boze and rock'n roll) sont quand même full drama. Mais pour vrai, qui a besoin de s’assoir le soir pour regarder le drame des autres quand on a passé la journée les 2 pieds dans la nôtre. Je peux voir comment pour le “commun des mortel” ça peut sembler divertissant et “exotique” après avoir passé la journée dans un cubicule, mais pour moi c’est l’antipode de ce que j’essaye de renforcer dans mon quotidien: c’est à dire une belle dynamique de groupe, de belles rencontres avec les clients, et des beaux tatouages.

Donc. Au début j’ai écouté ici et là quelques épisodes mais je me suis vite tannées des problèmes inventés d’une Kat Von D de plus en plus artificielle, dans un set up complètement irréaliste. On était clairement plus dans le “reality show” car les chicanes étaient manifestement inventées. J’ai souvent décrié la représentation de pratiques non sécuritaire compromettant la propreté, ce qui donne le mauvais exemple aux nouveaux tatoueurs. Aussi la fausse dynamique du walk-in, la personne qui rentre pour une manche le matin et où le tatoueur à le temps de tout dessiner et tout tatouer avant que la personne reparte le sourire au lèvre avant même qu’il fasse noir dehors (et on s’entend que c’est connu que les artistes sont pas le genre à se lever à 5h le matin). Tout cela donnant une fausse image de la réalité et menant à plusieurs situations malaisantes avec les clients éduqués par ces émissions.

Avant peu, les artistes respectables présentés dans ces émissions ont choisi de ne pas renouveler leurs contrats et sont partis ailleurs, refusant d’identifier leurs nom à cette nouvelle culture qui commençait à heurter notre industrie (Cory Miller et Hannah Atchison par exemple).

Quelque part la dedans ont vu le jour des émissions comme “tattoo school” et “on the road” qui ont été DÉMOLIE par l’opinion générale de la communauté professionnelle car elles donnaient le pire exemple de pratiques et d’idéaux, aspirant à montrer à tatouer des gens dans un environnement loin d’être professionnel en quelques jours ou associant le tatouage avec tous les préjugés dégradants typiques et valeurs morales douteuses (genre les tatoués rejettent la société, ont pas d’éducation, se tiennent dans les bars miteux et ont des pratique hygiénique horrible). Ce qui est très loin de la réalité.

Par la suite sont venue les fameuses compétitions. Des émissions organisées et jugées par des gens qui ne sont pas tatoueurs eux-mêmes, présentant de jeunes artistes prêts à tout pour se faire connaitre et passer à la TiVi. A part pour le show “Best Ink”, que j’ai beaucoup aimé car professionnel et pleinement axé sur l’art (et qui, surprise surprise, n’a pas fait plus de 2 saisons), je n’ai plus vu d’artistes de renom participer activement à ce genre de séries. Semble-t-il que depuis la dernière fois que j’ai pris la peine de regarder ce qu’il se passe sur le câble, on a atteint de nouveaux sommets de médiocrité.

Premièrement, un des problèmes majeurs de la société en général aujourd’hui est qu’on a perdu tout sens du sacré (comme le dit si bien mon amie Nadia). Et plus fondamentalement du respect de l’autre. Je ne connais aucun artiste professionnel qui, même mis sous la pression d’une chaine de TV auraient accepté de marquer à vie une autre personne (même consentante car croyant se faire faire une belle pièce) d’une horreur pareille. À mes yeux, ces artistes ont perdu toute respectabilité et ont manqué critiquèrent de jugement dans un contexte où la pression sociale leur a fait croire que c’était ok (EXEMPLE, dans le temps des nazis, les gens qui opéraient les chambres à gaz étaient poussées à croire, dans leur contexte social, que c’était ok. Got it?) Sans le précieux consentement que ces personne ont sans doute signées, faire ceci à une personne est sans aucun doute illégal (et définitivement amoral).

C’est à mon avis du bullying complètement gratuit et public. Ces gens devront vivre avec « l’aftermath » psychologique de marques permanente à leur corps, pratiquement un viol public, pour le reste de leur vie. Et les perpétrateurs de ce viol marcheront librement, certains peut-être reproduisant le geste ou inspirant leur prochain à faire la même chose, ou d’autre avec un cauchemar occasionnel engendré par le remord, qui sait.

vendredi 12 mai 2017

6 raisons pourquoi se faire tatouer ce symbole n’est pas une bonne idée



Si vous êtes déjà entré dans un tattoo shop dans l’idée de vous faire tatouer ceci, vous vous êtes possiblement fait accueillir avec une réaction comme celle-ci.




La réalité est que le populaire signe de l’infini est une pas pire mauvaise idée de tatouage et que pour la plupart des artistes, il est trop pénible de même commencer à expliquer pourquoi. Laissez-moi ce plaisir, une bonne fois pour toute.
1. Le symbole de l’infini est un symbole mathématique qui "représente une infinité potentielle, plutôt que représenter une quantité actuellement infinie. Le symbole de l'infini est conventionnellement interprété comme une variable grandissant arbitrairement (vers l'infini) plutôt qu'une valeur réellement infinie." On s’entend que c’est un peu approximatif comme symbole absolu.
2. C’est un symbole MATHÉMATIQUE et non un symbole métaphorique. Donc pas vraiment poétique ni romantique.
3. C’est un symbole qu’on utilise interchangeablement pour signifier :
 Permanence
D’un point de vue spirituel, c’est un peu un non-sens. Un des premiers enseignements du bouddhisme est que RIEN n’est permanent. De plus, le tatouage est lui-même permanent, donc c'est un peu redondant.

 Éternité / Complétude
Il existe d’autres super beaux symboles pour évoquer ces concepts. Plus artistiques, plus poétiques et plus exacts (Exemples : ensō, ouroboros, noeuds celtiques...)

• Memento relationnel ou d’engagement
Pourquoi choisir un symbole générique quand vraiment, il existe une infinité (tsé) de concepts pour représenter votre relation si spéciale et unique (entre les membres d’une famille, des amis, ou un couple). Favorisez un symbole personnel et unique qui parle vraiment de vous!

 Un amour ou un attachement incommensurable
Encore une fois, d’autres symboles existent pour représenter ce concept, par exemple celui de la claddagh.


4. Spirituellement, et selon mon point de vue personnel, c’est un symbole qui évoque être stuck en boucle, sans évolution, sans sortie, sans transcendance. Dans un même style, j'endosse davantage la symbolique de l’unalome.
5. Un symbole fin et précis comme celui de l’infini est un défi technique pour le tatoueur. De plus, s’il est trop petit (comme le désirent la plupart des gens), c’est un tatouage qui passera difficilement l’épreuve du temps. Les lignes élargissent et les petites boucles finissent par s’obstruer, vous laissant avec pas grand-chose d’autre qu’un regret. Spécialement additionné de mots ou d’autres dessins (oiseaux, plumes, ancre de bateau, name it), c’est une image très difficile à équilibrer graphiquement (en d’autres mots, c’est souvent laid). C’est pourquoi les tatoueurs d’expérience refusent habituellement d’exécuter ce motif, vous laissant ainsi à la merci des apprentis et tatoueurs de moindre vertu. C’est comme qui dirait un cercle vicieux (∞)
6. Allez voir sur Pinterest et cherchez “infinity tattoo”. Ça prend pas longtemps pour réaliser que tout le monde et leur grand-mère se sont déjà fait tatouer la même chose. Ce qui veut dire qu’on est ici dans un phénomène de mode, un trend. On veut éviter comme la peste les modes car bien qu’un tatouage n’est pas éternel (nous allons tous mourir et nous décomposer un jour), ça dure pour un bon bout de temps. Et ton tatouage cool en 2010 ne passera peut-être pas le test du “bon goût” pour entrer dans la catégorie des “classiques” (et donc intemporel).

Mon argumentaire mi comique mi satirique (mais je pense quand même respectueux et constructif), est issu de la 4e demande de la semaine.

CECI DIT. Si on concidère que toute expérience à une valeur, vous pouvez bien vous faire tatouer ce que vous voulez! En toute hypocrisie, j'ai parfois tatoué des signes de l'infini, des kanjis et un paquet d'autres affaires peu recommendables. J'aime toujours mieux les faire moi-même que voir mes clients finir nimporte où. Je suis moi-même couverte de tatouages insignifiants et laids et ça ne me fait pas un pli. Je suis une ode au tatouage irréfléchi.


mardi 24 janvier 2017

(Més)aventures d’une propriétaire de tattoo shop

Et réponse à la question populaire
"Pourquoi t'es parti de la shop?"


:: ATTENTION ::
  1. Ok, c’est un peu du lavage de linge sale en public. Je suis parfaitement consciente qu’il y ait 2 cotés à la médaille. Je me permets d’exprimer MON expérience, poliment, factuellement, avec les émotions que j’ai vécues MOI, sans gros mots, insultes, ni coups sous la ceinture. (Je traite personne de rien. Les gens qui me connaissent savent que je suis ni bitcheuse ni chialeuse)
  2. Je m’attendais pas à ce que ça plaise à tout le monde mon histoire. J’accepte que ce soit frustrant pour les parties concernées et que ça pointe des erreurs de part et d’autre (je pense que j’admets largement que je me suis PLANTÉE). J’accepte aussi de me faire rendre la monnaie de ma pièce (de façon juste) pour ce que j’ai pu faire aux autres.
  3. J’ai omis les noms et les lieux pas pour être subtile mais bien pour être légale.
  4. Malgré tout, je m’excuse pas, simplement parce que mon but n’est pas de faire mal. Juste de m’exprimer. J’écœurée de l’omerta du tatouage pis des masques en général. J’ai pas fini de dire ce que j'ai à dire. Et personne est obligé d'écouter. Pour mieux comprendre ma démarche, lire la section "À propos".
-------------------------------------------

Il y a quelques jours, je me suis finalement libérée du poids financier que représente mon départ en janvier 2016 du studio de tatouage dont j’étais la propriétaire, soit après un an de support pour le projet qui n'est plus le miens. Aujourd'hui, j'aimerais aussi me libérer du fardeau émotionnel qui me reste et enfin aller de l'avant avec ma propre vie et mes propres rêves.

Ma décision de quitter la shop a été motivée en plusieurs étapes. La première erreur majeure d'administration que j'ai commise a été de signer le bail pour le local pignon sur rue au premier étage du local que je louais déjà. Belle opportunité d'un local plus grand, avec un cachet exceptionnel. Pour 3 ans nous avions occupé mes collègues et moi un plus petit local au 2e étage et quand j'ai ouvert le studio originalement, ma motivation était la suivante: avoir mon lieu d'affaire à moi, afin d'être autosuffisante (c'est à dire pouvoir payer tous les frais d'affaire seule en cas de besoin) et surtout pouvoir faire à ma tête, installer les choses à mon gout et travailler selon mes valeurs à moi, même si elle sont assez différentes des autres personnes de la même industrie. Ça semble jusqu'ici assez légitime. Dans mon élan j’ai invité mes amis (à de fins d'anonymat, appelons les Judy et Éric) à se joindre à moi. Alors apprentis au studio où je travaillais au centre-ville, c'était une occasion pour eux de voler de leur propres ailes, pour moi de m'aider à payer les frais de départ et d'avoir le simple plaisir de travailler avec des gens que j'aime et que je considère mes amis. On allait être un peu tassés dans le petit local, mais on allait avoir du fun.

Évidemment, les aléas du travail d'équipe n'ont pas tardés à se manifester au fil des allées et venues de nouveaux employés et des relations qui se développent. En effet, après quelques temps Judy et Eric sont devenu un couple, de même que moi et "Jules", qui alors faisait l'administration et le perçage. À cette époque, moi et Judy vivons notre premier différent. Judy est alors en dépression et son travail s'en ressent : l'atmosphère est lourde et les clients commencent à se plaindre. Après plusieurs semaines de réflexion et de mal de cœur, malgré mon affection et mon amitié pour elle, la voix du patron en moi prend le dessus. Je lui demande de quitter le studio. Premier coup financier, pour lui permettre de partir avec le montant des dépôts de ses clients (qui avaient déjà été « investis » dans les frais d’opération), je signe pour une première marge de crédit de plusieurs milliers de dollars. Je sais que les mois qui suivirent furent assez rock and roll pour elle. Son passage dans d'autres studios (inutiles de nommer), semblent lui avoir fait prendre conscience de certaines choses et adouci son attitude. Comme j'ai beaucoup d'affection pour elle malgré notre conflit et devant sa sincérité, j'accepte son retour au studio de bon cœur, après ses quelques mois de "fugue". J'ai d'ailleurs financièrement grandement besoin d'un nouvel artiste pour occuper le nouveau local (un loyer mensuel de 3000$, sans compter les autres frais de services!) et me permettre d'aller en congé de maternité. En effet, en décembre 2013, j'ai été surprise par une petite grossesse non-planifiée. (Nul besoin de mentionner que la majorité de l’argent laissé à son départ n’est jamais revenu, pour cause de conflit avec l’administration d’un autre studio où elle a travaillé pendant l’interlude.)

Changer de local a été ma plus grande erreur car au moment de cette décision, j'avais perdu de vue ma motivation initiale qui était d'avoir un projet à MOI. À mon gout, dans mes moyens et sans stress. J'ai choisi de prendre le plus grand local en ayant en tête "l'intérêt de tous" et voyant les avantages pour le groupe d'avoir pignon sur rue dans une belle grande shop. J'ai signé le bail et BAM, je suis tombé enceinte. Imprévu majeur. J'ai alors 30 ans, et je n'avais jamais prévu avoir d'enfant. Mes valeurs m'empêchant de considérer l'avortement et ma situation de vie loin d'être précaire, j'ai naturellement accueilli la nouvelle et fait de mon mieux pour m'immerger dans la réalité de maman. Nous avons déménagés le studio au mois de mars 2014 au terme de mon premier trimestre (qui fut d'ailleurs très difficile) dans le petit regain d'énergie dont j’ai bénéficié au 2e trimestre. Mais vous pouvez vous imaginer que bouger une grosse structure comme ça ne se fait pas sans stress, surtout enceinte et avec 0 lousse financier. 

Ca été mon premier son de cloche. Ce déménagement, moi et Jules l'avons planifié et effectué virtuellement seuls. Les tatoueurs se sont mobilisés pour bouger leur propre station et matériel mais ont proposé assez peu d'aide supplémentaire. Debout sur une chaise à accrocher des rideaux et a m'engeuler avec mon chum d'épuisement, vers 11h le soir de notre 3e 18h de travail en ligne, j'ai craqué. Un gros doute venait de prendre place et j'ai remis en question tout le projet d'agrandissement mais il était trop tard. Pas moyen de revenir en arrière.

Par la suite ma santé a piqué du nez. J'ai cessé de tatouer complètement à 5 mois de grossesse par épuisement (donc j’ai profité de la nouvelle place comme 2 mois) et je suis resté à la maison, délégant les taches du studio à mon conjoint. Honnêtement j'ai aucun souvenir des 4 mois qui ont suivi. Pendant ce temps, les tensions personnelles montaient au studio. J'ai terminé ma grossesse dans une brume de survie au jour le jour, ponctuée par un accouchement de 36h horrible. Aucun de mes "amis"/collègues ne sont venus me visiter ni n’ont demandé de nouvelles de moi personnellement. C'est un autre moment ou mon cœur s'est un peu brisé. Dans quoi je me suis embarqué?

Trois semaines après mon accouchement, mes collègues m'ont convoqué en meeting. La situation au studio est devenue hors de contrôle : ils ne veulent plus tolérer Jules comme administrateur. Selon eux, son stress et son attitude sont devenus un problème majeur à leur bien-être et celui des clients. Ma présence est donc requise pour tempérer. 6 semaines après avoir accouché, je reprends donc le travail. Petit coco en portage sur le dos pour un autre 6 semaines et puis bébé à la garderie dès 3 mois. Pas de congé de maternité pour moi.

Ce fut une année riche en hauts et en bas, en rotation d'employés, en efforts "just to make it" et en dettes grandissantes, histoire d'installer les choses à mon gout, à celui des autres et à soutenir mon partenaire dans ses activités professionnelles (autre investissement majeur en bijoux et équipements).  En tout, depuis l'ouverture 4 ans auparavant, c'est maintenant 25 000$ de dettes que j'ai accumulée. De plus, être mère est un gros challenge pour moi et ne me vient pas du tout naturellement. Les défis parentaux se multiplient dans le background. À travers ça, je poursuis mon ambition de service holistique (rendu essentiel pour moi dans mes valeurs spirituelles, un autre journey en soi croyez-moi), et ce assez à contrecourant de mes collègues. Retour à la case départ: mes valeurs clachent avec celles des gens que je côtoie et me revoilà dans le même bateau qu'avant d'ouvrir (mais en pire tsé).

À l'automne 2015, j'ai déjà pris la décision d'alléger l'admiration du studio massif dont j'étais la propriétaire (11 personnes au pic des activités) en choisissant la formule "collective". C'est à dire que chacun paye sa part du loyer et des services. Moins de responsabilités pour moi puisque j'ai toujours la certitude que le loyer est payé et plus grand revenus pour les artistes qui travaillent suffisamment. Ça semble "win win" sur le coup mais de l'autre côté, mon potentiel de profit supplémentaire est réduit à 0. C'est à dire que je redeviens une "employée" comme les autres, qui dépend de sa propre huile de bras pour payer ses dépenses et toutes les dettes encourues, tout en continuant de porter le fardeau administratif. Outch.

En décembre, au summum de mon stress existentiel, ma relation avec Jules bat de l'aile et je prends la décision de mettre fin à la relation. En janvier 2016, incapable de poursuivre la coexistence dans le milieu de travail, je décide de quitter le studio pour m'installer à la maison. Assez à bout de nerf et d'émotions, je n'ai pas pris le temps d'expliquer ma situation personnelle à mes collègues. Je ne sais pas comment j'aurais pu. J'étais à mon plus bas moral probablement à vie et je n'avais ni l’énergie ni les mots de communiquer le désespoir de ma situation. De plus, je me sentais très isolée émotionnellement et je n'avais pas l'impression que ces gens would give a shit de mes sentiments.

J'ai carrément ramassé mes affaires et crissé mon camps. Je leur ai dit que j'allais payer encore ma part avec eux un certain temps, même si je n'étais plus sur les lieux, et je les ai laissé se démerder. S'ils voulaient garder le local, j'étais ouverte aux propositions de reprendre le bail ou d'achat de matériel s'ils voulaient chacun prendre leur côté. J'ai mis le local à louer. J'avais juste besoin d'air, d'être seule, de me recentrer, de me rappeler pourquoi je me donne tant de mal pour cette maudite job, pour tout le monde, et surtout de me rappeler qui je suis, et ce que JE veux vraiment. C'est à dire un lieu pour créer et m'exprimer. Pas gérer. (J’ai eu spécialement de la peine de laisser derrière moi mon apprenti « Mike », qui m’a tellement touché dans sa sincérité de vouloir partir avec moi, mais à ce point-ci c’était une question de survie et il me fallait prendre des décisions pour moi).

Mais comme de fait les obligations légales ont fini par me rattraper. Et on parle même pas des créanciers que j'arrive à payer par la peau des fesses avec mon salaire juste à moi. Apparemment, un local comme ça ne se loue pas si facilement et pour régler la situation, le propriétaire de la bâtisse est finalement intervenu. Longue histoire courte, le deal qui fut signé en mars est le suivant :

·  Judy devient propriétaire du studio (donc reprend le bail), ainsi que tous les équipements qui s'y trouvent (plusieurs milliers de dollars juste là, sans parler des travaux mis dans la place au cours des deux ans d’occupation).
·  De plus, je (Karine) m'engage à payer ma part du collectif pour un autre 10 mois (1/6 à ce moment-là), comme si j'occupais le local avec les autres, pour les aider à s’installer. (Entre 550 et 800$ par mois).
·  J'ai droit de bénéficier des choses que je paye de la même façon que les autres, même si je n'occupe pas les lieux physique (comme le matériel générique acheté pour tous).
·  Le propriétaire de l’immeuble offre de leur faire une réduction de loyer temporaire pour aussi leur donner un coup de main.
·  Dans le cas où ils réussissent à trouver un ou 2 artistes de plus pour partager les frais au studio et donc sortir de leur problème de liquidité temporaire*, Judy s'engage à libérer le propriétaire du local de la diminution de loyer et moi de payer ma part.

Bien que cette entente me coute CHER, au moins elle me permet de me sortir des soucis légaux qu'un non-paiement du loyer commercial entourerait et me permet d'éviter la faillite. Au pied du mur, je n'ai pas le choix d'accepter l'offre. Un an à pédaler un peu n'est pas si mal et ma base de clients est assez bonne que je ne crains pas de manquer de travail. Re-moment d'émotion, moi et Judy échangeons le souhait de rester bonnes amies et partons toute deux satisfaite de l'entente. Malheureusement, ce fut d'assez courte durée.

Dans les faits :
·  Un mois plus tard, ils engagent un premier artiste. Malgré tout, sous prétexte de période d'évaluation, personne n'est libéré de leur soutien financier envers le studio. 
·  Malgré le problème de liquidité temporaire, quelques mois plus tard, ils décident de congédier Jules vu les frictions de personnalité qui perdurent.
·  Malgré ce même problème de liquidité temporaire Judy s'offre l'achat d'un Jeep de l'année genre 2 mois après la signature de l'entente.

De plus :
·  Je ne suis pratiquement jamais allé chercher aucun matériel auquel j'avais droit (sauf genre une fois ou deux au début). J'ai continué d'acheter mon propre matériel en double pendant les 10 mois.
·  J'ai payé une première fois ma part pour la location d'un espace à la convention de tatouage annuelle (qui eut lieu en novembre) mais à laquelle je n'ai jamais été invité à participer.
Ok j'hais les conventions. Surtout depuis que des gens avec qui j’avais des relations civilisée refusent maintenant de me regarder en face pour des raisons que j’ignore. J'assume que je suis rendu un peu trop "edgy" même pour la crowd suposée marginale du monde du tatouage. Quand même, comme j'ai payé ça aurait été la moindre des choses de m’inviter, même à simplement laisser mes cartes sur la table. Jules a d'ailleurs aussi payé sa part juste avant d'être remercié.
·  J'ai payé pour des travaux au local que je n'occupe pas à maintes reprises, ce qui selon moi dépasse les coûts mensuels d’opération* mais I guess qu'on pourrait argumenter sur ce point.

*Vocabulaire exact du contrat signé

Au moment de l'emploi d'un 2e artiste il y a 4 mois, le statu quo est toujours maintenu. Notez que l'expérience ou la qualité de l'artiste n'est aucunement un facteur car chaque artiste est tenu de payer sa part égale des frais, peu importe son volume de travail. On ne peut donc pas argumenter qu'un artiste est moins occupé qu'un autre et donc influence la stabilité financière de l'entreprise.

J'avale ma frustration. Je n'ai pas envie de "m'obstiner". Ou de contester la bonne foi de la personne que j'estime toujours naïvement être mon amie. À quoi bon mettre de l'huile sur le feu? Une coupe de 100 piastres de plus ou de moins...

Mais une certaine situation vient également à mes oreilles. Deux clientes qui n'ont aucun lien entre elles m'annoncent avoir contacté le studio alors qu'elles cherchaient où j'étais rendu. De se faire répondre qu'ils n'ont aucune idée où je suis rendu. Bullshit car ma carte d'affaire est (ou était) dans l'entrée du studio depuis plusieurs mois. Ramassant mon courage à deux mains, je me décide enfin à confronter Judy à ce sujet. De me faire répondre de me calmer, qu'elle n'a aucune idée de quoi je parle et que si j'ai un problème avec les autres tatoueurs de m'arranger moi-même avec eux car ce ne sont pas ses employés (bref, ils peuvent faire ce qu'ils veulent, même si je leur paye toujours une partie substantielle de leur espace de travail, et que c'est finalement pas son problème à elle). Ce fut ma dernière conversation avec elle.

J'entreprends alors des démarches avec le propriétaire de la bâtisse et la notaire qui a préparé le contrat afin de voir si je peux me défaire de ce poids qui commence à peser drôlement lourd. La notaire m'offre d'entamer des procédures légales envers Judy pour lui demander prouver formellement qu'elle éprouve toujours des problèmes de liquidités. Comme je sais que j'aurais de très bonnes chances de prouver mon point en court si les procédures se rendraient là, j'ai sincèrement considéré l'option. Mais comme ma motivation première est de me défaire des attaches (plus personnelles que financières) qui me lient au studio et qu'il ne me reste que 2 mois avant l'échéance du contrat, je choisi finalement d'acheter la paix et de suck it up une fois de plus.

Sur ma dernière facture la semaine passée figurait les frais de la convention pour l'année suivante (en novembre prochain!) de même que d'autres travaux au local. J'ai dû prendre un gros 10 minutes pour ne pas hyperventiler de rage. Jusqu'au bout, jusqu'au dernier moment, j'ai encore à endurer le calvaire de la situation. Encore une fois, débat intérieur : payer ou ne pas payer? Aller à la guerre ou ravaler? Finalement, après une coupe d’exercices de respiration, j'ai viré le montant, choisissant de garder mon énergie pour moi, malgré le goût amer de bile que j'avais dans la bouche. Mon chum (actuel) était tellement en criss après moi d'avoir payé sans rien dire et de me laisser manger la laine sur le dos, que j'ai eu droit à une chicane de couple pour couronner le tout. Mais là, finalement, c'est fait et on peut passer à autre chose (mais maudit que je me sens à bout de souffle).

Je ne sais pas si ce que j'ai vécu je l'ai mérité, mais de mon point de vue, ça tombe dans la catégorie "chien mais légal" (kind of). Dans l'ensemble de l'aventure, malgré mes mauvais choix et mon "abandon" du bateau, j'aurais tellement souhaité un minimum de respect (à défaut d'empathie). La crotte je l’ai eu sur le cœur assez longtemps et j'aimerais vraiment sincèrement passer à autre chose pour de bon. Ne pas oublier les apprentissages (une leçon que j'ai payé en tabarnak) mais me libérer du ressentiment des relations qui ont viré au vinaigre avec les gens que j'ai considéré mes amis (et que j'ai fait passer avant moi-même de nombreuses fois) pendant 5 ans. Je n'ai toujours pas remonté la pente physiquement et énergétiquement de ma grossesse, mais après 3 ans j'ai finalement un regain de passion pour mon métier et je veux seulement créer à mon gré, dans mon environnement et garder mes ressources pour moi-même et pour les gens qui aiment mon travail et croient en ma "mission" (et j'ai absolument pas besoin que ça soit tout le monde). Je veux juste avoir la paix.

Sincèrement,
Karine

lundi 16 janvier 2017

Gestion des déchets biomédicaux en Outaouais


À l’attention de
l’Agence de la santé et des services sociaux de l'Outaouais
104, rue Lois
Gatineau (Québec)
J8Y 3R7

Gatineau, le 17 février 2015


Objet : Gestion des déchets biomédicaux en Outaouais

À qui de droit,

Je suis propriétaire d’un studio de tatouage à Gatineau depuis 2011 et suite à certains événements survenus aux cours des derniers mois, j’aimerais porter à votre attention certains problèmes rencontrés concernant le système de récupération des aiguilles usagées dans la région. Étant contentieux de notre responsabilité sociale en tant que professionnels utilisant des aiguilles quotidiennement, mon équipe et moi tenons à disposer du matériel souillés de manière sécuritaire.  Au courant des dix dernières années, j’ai toujours fait appel aux services en pharmacie pour retourner mes contenants DBM. Or les pharmaciens sont de plus en plus réticents à accepter ces contenants, ou refusent tout simplement de le faire et ce, malgré les recommandations officielles de l’Ordre des Pharmaciens, du Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec (MSSS) et du Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, ce qui entraîne des conséquences non négligeables pour le bien-être de la communauté.

Dans un rapport du Groupe de travail sur la récupération des seringues usagées au Québec publié en 2005, il est clairement inscrit que l’Ordre des pharmaciens du Québec « encourage les pharmaciens à mettre sur pied des programmes de récupération du matériel d’injection contaminé » et il est recommandé aux pharmaciens de « recevoir et d’assurer l’élimination sans frais des seringues et aiguilles utilisées avec ou sans ordonnance médicale apportées par des individus ».  Le gouvernement du Québec diffuse également ces informations aux citoyens en leur recommandant fortement de rapporter leurs aiguilles et seringues souillées en pharmacie ou en CSLC, sans faire le discernement du type d’objet contaminés, dans le but d’éviter tout accident et transmission de maladies graves. Dans un pamphlet distribué au public par le Ministère de la Santé et Services sociaux du Québec il est également clairement mentionné que les citoyens peuvent se procurer gratuitement un contenant sécuritaire en pharmacie et le rapporter une fois rempli.

Or ce service n’est pas mis en pratique par certaines pharmacies qui n’acceptent pas de récupérer les aiguilles et seringues à usage non-médicaux même si, selon les réglementations du Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, révisées en 2010, « la gestion des seringues et des aiguilles d’origine domestique qui y seront livrées (en pharmacie ou au CLSC) sera la même que celle des déchets biomédicaux réglementés déjà produits sur place.» Ainsi, aucune distinction réelle ne devrait être faite entre aiguilles à usage médical, domestique ou professionnel. Or, les pharmacies et les CLSC continuent de diviser ces derniers et cette séparation engendre une discrimination marquée et soulève des questions importantes concernant la confidentialité des individus. Ainsi, pour des raisons éthiques nous croyons qu’il est déplacé de la part des pharmaciens d’exiger aux individus de dévoiler la provenance ou la nature des aiguilles lorsqu’elles sont proprement entreposées dans un contenant DBM, surtout lorsqu’ils sont tenus, par les recommandations officielles de maints organismes, de les accepter et d’en disposer.

Une des pharmacies visitées (le Pharmaprix du 200 Boul. Gréber à Gatineau) a effectivement demandée qu’on révèle la provenance des aiguilles et, lorsque nous avons mentionné qu’elles étaient utilisées pour le tatouage, le commis a adopté une attitude condescendante et a catégoriquement refusé de prendre le contenant DBM, suivant les instructions données par la pharmacienne propriétaire, Suzanne Boily, à ses employés. Ce refus soulève à mes yeux un questionnement éthique et me fait douter du professionnalisme de ce membre de l’Ordre de Pharmaciens (dont la mission est « est de veiller à la protection du public » en agissant « de façon raisonnable et [en tenant] compte des conséquences de ses actes » et « guidées par l'honnêteté et le respect de principes moraux rigoureux »). Ce problème semble assez répandu et avait été soulevé dans le Rapport du Ministère de la Santé et des Services sociaux publié en 2005 dans lequel il est indiqué que : « des producteurs de petites ou très petites quantités de DBM (p. ex. soins infirmiers à domicile, tatoueurs, électrolystes) sont accueillis sans enthousiasme lorsqu’ils apportent leurs DBM à la pharmacie ou au CLSC. » Les nouvelles réglementations de 2010 visaient entre autres à régler ce problème, mais à la lumière des événements des dernières semaines, il est clair que le système de récupération des aiguilles usagées comprend toujours des lacunes majeures et celles-ci doivent être adressées. Selon un des pharmaciens rencontrés et selon le Rapport MSSS de 2005, ce refus serait également lié à certaines contraintes légales concernant le transport, limitant ainsi la quantité de DBM pouvant être transportée à « 50 kg par mois, sans que l’on soit tenu de respecter toutes les exigences du Règlement relatives au transport : permis, véhicule réservé, réfrigéré, etc., ce qui augmente sensiblement les coûts. »  En effet, en visitant une seconde pharmacie, et après discussion extensive, on a accepté de récupérer mes contenants mais à condition d’un quota de un par mois maximum, citant les contraintes de volume de ramassage. Il m’a été donné à cette occasion de voir les informations transmises par votre service aux pharmacies. Le document, émis par l’Agence de la santé et des services sociaux de l'Outaouais, parlait uniquement des déchets médicaux, et ne couvrait pas le cas des autres déchets contaminés. Il s’agit donc d’une information désuète en ce qui concerne les réglementations présentement en vigueur au Québec et depuis 2010. Les pharmaciens croient donc pouvoir librement interpréter ces informations et sélectionner les déchets à recueillir.

Il est donc d’un côté, de plus en plus difficiles pour les individus de disposer de leurs aiguilles contaminés de manière sécuritaire malgré les recommandations officielles et les indications données aux citoyens tandis que de l’autre, le Règlement sur les déchets biomédicaux ne s’applique pas aux individus. Ainsi, ces derniers ne contreviennent à aucun règlement lorsqu’ils jettent leurs seringues et leurs aiguilles aux ordures ménagères. Il n’est donc pas surprenant que cette option soit celle choisie par plusieurs individus qui n’arrivent pas à disposer de leurs déchets DBM dans les pharmacies ou les CLSC et pour qui, les hôpitaux équipés d’autoclave sont difficiles d’accès. Comme nous pouvons le constater dans les médias, ces aiguilles et seringues se retrouvent souvent dans les ordures ménagères et dans les endroits publics et causent un danger considérable pour la communauté. « Selon un rapport publié par le MSSS en 2005, on observe un nombre croissant de piqûres accidentelles liées à la présence de seringues et d’aiguilles à des endroits inappropriés. Ces accidents touchent notamment les enfants et certaines catégories de travailleurs, comme les préposés à l’entretien des rues et des parcs, les concierges, les éboueurs et les employés des centres de tri. » Les services de récupération offerts par les pharmacies et les CLSC ne devraient donc pas être limité aux clients de la pharmacie, mais bien être à la disposition de quiconque désire disposer de ses seringues ou aiguilles souillées et ce, pour des questions de sécurité sociale.

C’est pourquoi, nous faisons aujourd’hui appel à l’Agence de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, qui se doit de s’assurer que les recommandations du gouvernement du Québec soient transmises et appliquées au niveau régional. Nous tenons à porter à votre attention ce problème sérieux en espérant que vous prendrez les mesures nécessaire pour y remédier. Nous croyons que les pharmacies et les CLSC devraient être officiellement tenus de récupérer les aiguilles et seringues souillées provenant de sources domestiques et professionnelles lorsqu’elles sont entreposées dans les contenants DBM et ce, en tout temps et sans limites de volume. J’aimerais, pour terminer, citer l’Exemple du CSSS de Dorval-Lachine-Lasalle, qui diffuse publiquement sur leur site web que : « Les personnes qui utilisent des seringues et des aiguilles pour leur usage personnel ont la possibilité de se procurer des contenants gratuitement dans toutes les pharmacies du territoire et au CLSC de Dorval-Lachine ainsi qu'au CLSC de LaSalle et de les rapporter afin de s'assurer que ces seringues et aiguilles seront éliminées de façon sécuritaire. »

C’est le bien-être et la sécurité de la communauté qui est ici en jeu.
Merci de bien vouloir faire suite à cette lettre dans les meilleurs délais.

Sincèrement,

Karine Provençal-LeBlanc
Propriétaire et artiste du tatouage, RubyCherry Shop

N.B.
Une copie imprimée et enregistrée de cette lettre suivera par courier sous peu.


Sources :

dimanche 15 janvier 2017

Lettre ouverte aux organisateurs du salon de la Femme de Gatineau

Vers la mi-jullet 2015, j’ai entamé des démarches pour participer au Salon de la Femme de Gatineau comme exposante/conférencière. Mon contact avec l'organisation du salon fût des plus surprenantes et déplaisantes.


Notre idée de départ est que nous cherchions à promouvoir un Fonds caritatif qui bénéficie aux personnes atteintes du cancer lors du salon mais je trouvais le prix de la table très cher (1100$ pour le plus petit espace) pour une initiative qui vise principalement à remettre aux gens (Le Fonds RubyCherry avait pour but de venir en aide aux victimes du cancer en leur offrant gratuitement la réalisation de leur tatouage de combattants, y compris le tatouage post-mastectomie). Mon idée était d'offrir, en échange d’un rabais sur notre kiosque, une conférence sur le sujet des pratiques sécuritaires et des choix éclairés pour le tatouage (une mode extrêmement rependue pour les femmes de tous les âges et dont plusieurs informations contradictoires circulent sur le sujet). Il s’agit donc une conférence à des fins informative et non promotionnelles. Ayant a plusieurs reprise travaillé comme formatrice et conférencière, mon offre me semblait une bonne initiative.

Au début septembre (soit presque 2 mois plus tard), on répond finalement à ma question. En m’envoyant un PDF contenant les informations pour les conférenciers de la 10e édition du salon.

En résumé. On offre aux conférenciers une salle acceuillant 80 personnes sous condition d’acheter 30 billets au coût de 14$ chacun, pour pouvoir faire une présentation de 40 minutes au salon. (Coût total de 420$)


Un peu perplexe, moi de répondre :

Bonjour Daniel,
J'ai pris connaissance de votre documentation mais j'aimerais plus de précisions,
J’essaye de voir l'avantage de payer nous-même 30 billets pour effectuer gratuitement une conférence qui accueille seulement 80 personnes. Cela me semble très peu avantageux pour les conférenciers surtout quand les conférenciers sont habitués à être payés pour leurs services.
Dans l'optique ou en achetant les 30 billets et en offrant la conférence gratuitement on obtient une table pour promouvoir notre Fonds pour le week end, c'est avantageux et je serais vraiment intéressée à cette option.

Suite à mon message, Monsieur Cardinal me demande de lui téléphoner. Sa phrase d'ouverture lors de notre entretiens verbal fût : « Je vous ai demandé de m’appeler car je n’ai pas juste ca à faire de la journée répondre à vos courriel. »

La suite de la conversation fut des plus surprenantes et déplaisantes. Semblant bien outré de mon idée de kiosque à rabais, il a poursuivi en m’expliquant que l’Outaouais, ce n’est pas Montréal et que lui, il a beaucoup de dépenses à payer. Il considère que de faire une conférence à son salon est un privilège qui bénéficie au présentateur.

De mon point de vue, les gens qui détiennent un savoir et qui se mobilisent à leurs frais, développent des outils pour enseigner ou partager ces savoirs (souvent acquis au prix d’études ou de longues années d’expérience dans leur domaine) se doivent d’être rémunérés ou compensés pour leur travail.

Promouvoir les conférenciers par les réseaux n’est pas à mon sens une compensation valable puisque la présence de conférenciers bonifie le salon et attire les visiteurs. 60 conférenciers pour 14$, c’est quand même intéressant pour le public, spécialement quand le contenu est formateur. C’est un atout pour le salon et les présentations sont au bénéfice de leurs visiteurs.

Personnellement, je trouve inacceptable qu’on demande aux conférenciers de performer sans compensation, et d’exiger de ceux-ci qu’ils payent de leur poche la moitié de la présence dans la salle est carrément une insulte et un manque d’éthique.

Bien que je sois consciente des contraintes financières d'un tel évènement, à mon avis, le but initial d'avoir un salon de la femme est de promouvoir et soutenir celle-ci, de mettre en valeur ses accomplissement et diffuser de l'information à son sujet. Je comprends maintenant qu'il s'agit plutôt d'une grosse machine à générer des revenus. Le pire est qu'il y a des conférencières qui vont payer le 420$ sans dire mot, par passion, car elles croient fort dans le contenu qu'elles ont à partager.

L'argent, vous en faites avec les kiosques, les entrées et les commanditaires. Si le budget est si limité, prenez moins de conférenciers! J'aurais été moins insultée de me faire dire : "Désolé Mme Provençal, nous n'avons plus de place cette année" ou même "le contenu de votre conférence ne nous intéresse pas pour le moment". Si vous ne pouvez pas payer, dites le au moins en vous excusant et offrez quelque chose pour récompenser les gens de leur mobilisation, même si c'est symbolique. Pas une séance téléphonique condescendante avec l'homme aux signes de $$ qui gère le show.

J’aimerais également souligner que mes 2 courriels qui ont fait suite à mon appel avec M. Cardinal, invitant très poliment à la discussion et proposant un terrain d’entente (et détaillant bien ma proposition d’apporter un élément percutant et jamais vu au salon avec notre expertise du tatouage thérapeutique et expliquant clairement notre objectif, qui est de faire profiter de notre initiative du Fonds au plus de gens possible) sont restés sans réponse de leur part.

Quant à moi, il est certain que je ne ferai jamais la promotion ni ne prendrai part au Salon de la Femme de l’Outaouais. Je ne ressors pas que déçue de mon expérience avec leur organisation, mais plutôt humiliée.


Cordialement,

Karine Provençal-LeBlanc
Propriétaire d'anciennement RubyCherry Shop et gestionnaire du Fonds RubyCherry


dimanche 11 décembre 2016

Mandalas : L'art de se créer soi-même

Le mandala est un symbole spirituel et rituel qui signifie cercle en sanskrit. Sa structure est généralement organisée autour d’un centre unifiant. Les mandalas de la tradition hindoue sont une métaphore de l’univers. Aussi adoptés dans les traditions orientales et amérindiennes, ils sont généralement un symbole d’unité et de complétude. Utilisés comme outils de guidance spirituelle, ils ont des formes circulaires qui servent souvent à focaliser l’attention de l’adepte, créant un espace sacré propice à la méditation ou à la contemplation.

Chez les bouddhistes, on utilise souvent le mandala comme exercice contemplatif de l’impermanence. Les moines, après avoir passé plusieurs jours ou même des semaines à créer des mandalas complexes dans le sable, voient leur œuvre détruite par les éléments suivant un rituel précis.

Le mandala n’échappe pas à l’atten­tion de la psychologie moderne. Dans la psychologie jungienne, il est un outil de guérison de ce qu’on appelle la crise de transition. Dans cet état, l’ego d’un individu se fragmente et se trouve en danger d’effondrement. Le mandala devient­ alors un espace protégé, comme un cocon, favorisant le processus de guérison jusqu’à ce que l’individu soit de nouveau prêt à émerger dans un état de plénitude renouvelée.

Carl Jung, qui s’est intéressé tout particulièrement aux propriétés du mandala, a écrit que, tous les matins, il avait esquissé dans un carnet un petit dessin en forme de rond, un mandala, qui semblait correspondre à sa situation intérieure. « Ce n’est que lentement que je trouvai ce que signifie à proprement parler un mandala […] Le mandala exprime le Soi, la totalité de la personnalité qui, si tout va bien, est harmonieuse […](1)»

Créer un mandala aide à stabiliser et à réorganiser notre vie intérieure. Jung reconnaît que l’urgence de créer un mandala émerge souvent dans une période d’intense transformation personnelle. Son apparence indique souvent un profond besoin de rééquilibrer la psyché, le résultat étant une personnalité qui est plus complexe mais, surtout, mieux intégrée.

Il n’est donc pas étonnant que ce soit l’une des premières formes d’expression de l’enfant, ce qu’on appelle l’art naïf. Tout commence par des gribouillis circulaires témoignant de la formation interne de la psyché de cette petite personne en devenir; puis, au gré de son développement, l’enfant s’orientera de plus en plus vers l’extérieur, comme en témoi­gnera l’introduction de soleils ou de bonhommes au visage rond.

Les art-thérapeutes ont observé que la forme ronde du mandala a le pouvoir de forger une nouvelle relation entre l’ego et le soi. À la suite de sa rémission d’un cancer, Judith Cornell a écrit que le symbole sacré du mandala lui avait permis non seulement de découvrir son pouvoir intérieur de guérison, mais aussi de se libérer d’un sentiment de fragmentation sur le plan psychologique. Elle décrit cette redécouverte du soi comme synonyme d’illumination, réunifiant le corps, l’âme et l’esprit. En raison de ces qualités intrinsèques, le mandala connaît une popularité grandissante chez les praticiens de la santé holistique.

Internet regorge de ressources sur les mandalas et sur leur création. Plusieurs sites offrent gratuitement­ des mandalas prêts à colorier. Compte tenu de l’origine indienne du mandala, on peut facilement relier les couleurs choisies pour en enluminer les formes à celles des chakras (eux-mêmes représentés sous forme de roues ou de cercles) et à leurs propriétés respectives. En choisissant intuitivement des couleurs, on récolte non seulement les effets thérapeutiques du mandala, mais aussi de la légère trance provoquée par les mouvements répétitifs et méthodiques du crayon à colorier. Cet exercice nous permet d’atteindre de nouvelles sphères de notre incons­cient. Il n’est pas étonnant de voir la popularité explosive de l’art-thérapie proposée ces derniers temps dans les librairies. Il s’agit d’une acti­vité créative d’intérieur idéale pour les soirées douillettes de l’automne et les longues journées d’hiver à nos portes.


(1) Jung, Carl Gustav, Ma vie : souvenirs, rêves et pensées, Éditions Gallimard, 1966, p.233”

Tel que publié dans la revue Cheminement - Hiver 2016